Allila « renverse » la mise en scène

Lotfi Bourhim – doctorant en Langage, Discours et Société

Le metteur en scène marocain Tarik Bourhim a adopté sa propre conception dans la mise en scène théâtrale contemporaine. Il s’est révolté contre le « politiquement correct » dans le monde du 7ème art à plusieurs niveaux où s’articulent les composantes fondatrices du spectacle. Cette nouvelle perception artistique s’appuie sur le comblement de l’écart entre l’artistique et le culturel, d’une part, et la pensée et la dialectique d’autre part. De fait, « Allila » est une œuvre d’art où les cultures se croisent, le patrimoine et l’ancien et le contemporain se conjuguent de partout du Maroc.

A noter que Tarik Bourhim est un adepte dévoué de l’expérimentalisme et le dépassement de tout ce qui « va de soi ». Il procède par expérimenter le mouvement et les horizons pour donner de l’élan à son imaginaire artistique qui va à l’encontre du prédictible, il prône l’ « inatendu » afin d’attiser la curiosité du spectateur, ce qu’il a su incarner avec brio dans « Allila ». Cette pièce comme a été déjà mentionné, est un « soulèvement » théorique qui s’oppose à  Aristote et à Brecht ; si le premier vise un une audience cathartique, une purgation des passions comme le veut la tragédie aristotélicienne, le deuxième interpelle le côté critique chez le spectateur pour mieux identifier et s’identifier à son vécu, le percevoir autrement à travers l’altérité mais plus profond encore en se frayant un itinéraire dans une perspective d’ostranenie, qui utilise un dispositif visant à dépayser, à « étrangiser » la manière dont le monde se présente à nous, ce que le sémioticien russo-français A. J. Greimas appelle « la forme du contenu » ou tout simplement comment le monde « prend forme ». En conciliant ces deux perceptions du monde, Tarik Bourhim expérimente une perspective théâtrale basée sur l’ « être », essence et existence, dans sa dimension culturelle locale et universelle ; une expérience qui puise ses fondement dans des sciences telles la psychologie, la logique, la philosophie existentielle et trouve ses racines dans de différentes écoles théâtrales : le théâtre de la cruauté d’Artaud, le théâtre de la mort de Kantor et le théâtre pauvre de Grotowski. Outre ces trois courants théoriques, le metteur en scène s’ouvre sur le sophisme et les contes fantastiques et exotiques que Kalila et Dimna, Sinbad et Shéhérazade ont incarné majestueusement. Plus profond encore, Tarik Bourhim nous emmène vers les univers de la mythologie grecque en interpelant leurs secrets tout en « assaisonnant » le tout avec un brin de la littérature poétique arabe invoquant Antara et Abla. Ces univers diverses et multiples ont été un recueil où la perspective tarikienne se veut conciliatrice même du métaphysique des choses et sa corrélation avec la notion de la mort et du chaos. Cette « Allila » est ainsi un brassage d’arts et de littératures diverses et de cultures transhistoriques.

Le voyage d’« Allila »  à la Jordanie lui a été très bénéfique, elle a décroché d’abord une vague d’ovation du public dans l’espace ouvert et une estimation haute et forte de la part des critiques des experts du 7ème art dont le jury qui a tant apprécié le talent du metteur en scène marocain Tarik Bourhim en lui concédant ses efforts pour sa perspective d’une théâtralisation novatrice. Ce qui a été couronné par le prix du meilleur metteur en scène au festival Arrahala dans sa 1ère édition internationale pour valoriser ainsi son« savoir-faire » artistique à côté de ses lionceaux-acteurs et actrices et tout le staff accompagnant technique et artistique de la délégation marocaine.

 

Lotfi Bourhim – doctorant en Langage, Discours et Société

Meknès le 10 octobre 2022

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